Ce qu’ils en disent
Jacques Josse (remue.net – 9 juin 2020)
Marilyse Leroux (Recours au poème – 26 novembre 2020)
Sabine Dewulf (Terre à ciel 2020)
Philippe Fumery (poezibao – 7 décembre 2020)
Michel Ménaché (Europe – Novembre 2020)
Suite à une intervention au bloc opératoire, vécue comme un sursis aux issues incertaines, Pierre Dhainaut revisite le réel, en notations brèves dans un triptyque intitulé Une porte après l’autre. La première porte s’ouvre sur une section, à la merci du cœur. Telle une recréation du monde, l’auteur convalescent s’inspire de la Genèse pour introduire celle du poème : « Il y eut un ciel […] // Il y eut un plafond […] // Il y eut ces pages / grises tremblantes / des mêmes livres / toujours / inachevés. » Le corps supplicié est en suspens : « Rien à quoi / s’accrocher dans / la poitrine, le temps / a le temps de tomber. » Les battements du cœur rétablis relient au monde des vivants, mais une perception à vif fait écran : « Douleur au creux de la douleur… » Quel soutien moral pour le corps entravé : « l’attente d’une parole / dans un visage… » En réanimation, la description clinique se décline en métaphores paradoxales : « Océan / sous le masque / à oxygène…» De la houle intérieure à la parole minimaliste, s’ouvre la deuxième porte : verticales d’instants. Le poète dresse en colonnes de vers d’une à trois syllabes des instantanés elliptiques : « Matin / de l’âme / à tous / les étages / qu’emplissent / amplifient / les rires / des enfants. » Inventaire du monde ressuscité : « les herbes / les pierres / les nuages / un seul / monde / à dire / en croissance / en gloire. » Le poème répare la blessure, redouble la saveur des choses entrevues : « Oui / au poème / couleur / de lilas… » Et par rebonds, l’illusion « d’écho / en écho / d’un or / qui coule. » La troisième porte, enfin, s’ouvre sur le lexique revisité : « chaque matin / ressuscite / le goût de l’énigme. » Le corps lui-même est libéré par la voix retrouvée : « le livre / la gorge / tout se dénoue, / la nuit se charge / du courant d’air. »
Le rapport au monde rétabli, Pierre Dhainaut revisite les quatre éléments auxquels il ajoute celui qui les distingue, les unifie et les recrée : le langage ! La poésie coule de source : « l’eau ne connaît que le printemps des cimes… » Quant au souffle propre au poème, « la parole / qui s’exalte, elle a besoin d’air libre, / nous avons besoin d’elle / toujours vivante à notre porte, / toujours repoussant les frontières. » Le feu de la parole envahit l’espace, s’adresse à tous les hommes : « le même incendie les accorde », le même souffle pour attiser les braises, « agrandir / la langue du visible.» Apprendre « à ne pas nous éteindre, » nous dit le poète. La terre, « nous y sommes partout à mi-chemin. » Et de variation en variation, il revendique gagner plusieurs vies : « Nous publierions un poème / comme on plante un arbre / sur la berge d’un fleuve […] incarner, rayonner, / continuer… » Et l’on attend l’élément ajouté, le rapport au langage. Langage qu’il faut réapprendre après l’hôpital : « Mieux vaut balbutier que de donner le change. […] on ne décantera jamais assez le langage. Qu’il vibre, tout vibre. […] il n’y a que des premiers poèmes, des premiers accords. » Le poète se ressource au bord du gouffre, mezza-voce…
Jean-Marie Corbusier (Le Journal des Poètes – mars 2021)
Et entretien avec Isabelle Lévesque (Terre à ciel – 2020)
https://www.terreaciel.net/13-questions-d-Isabelle-Levesque-a-Pierre-Dhainaut#.YNxwFi0iv0o